Clin d’oeil

 

 

Imaginez. Imaginons.

Une salle de classe, durant la saison scolaire. Assis à leur pupitre, des élèves. Certains ont les deux yeux fermés, paupières soudées de l’intérieur. D’autres les ont grand ouverts. Depuis des heures, sous le néon comme sous un soleil dans le désert, ils suivent du regard leur professeur mettre des fraises dans son vocabulaire.

Soudain, le néon cligne de l’œil. À la fenêtre, une tête vient d’apparaître. C’est Franck, le conteur. Il fait une grimace, puis disparaît. Certains élèves rient. Plusieurs ont peur. L’enseignante fait semblant de rien. Elle continue de pêcher dans le dictionnaire.

Le néon cligne de nouveau. Nouveau visage à la fenêtre. C’est Nadine, la conteuse. Elle se fend d’un sourire jusqu’aux oreilles. Puis disparaît. Tourbillon dans la classe. Ceux qui avaient les yeux fermés en ouvrent un… enfin ! Ceux avec les deux grand ouverts en ferment une moitié, sur l’air de : « Tu penses que je m’en aperçois pas! »

Les cils de l’enseignante battent très fort. Elle se lève, va baisser le store. Le néon, pris de panique, se met à clignoter tel un stroboscope. Les têtes se multiplient à la fenêtre : Sylvi, André, Joan… Trop c’est trop ! Quelqu’un, dans la classe, va faire une crise d’épilepsie, c’est certain !

Puis, au moment précis où l’enseignante s’apprête à tirer le rideau, une scène s’ouvre… Sous une salve d’applaudissements, un par un, les conteurs font leur entrée. Hochet à la main, osselets aux pieds, ils viennent au chevet du Grand Malade : notre système d’éducation.

On peut rêver. Si le conte est présent dans nos écoles, les conteurs eux, ont bien de la misère à y entrer. Pourtant, c’est un secret de Polichinelle que le rêve est souvent plus près du réel que la réalité elle-même.

Il y a longtemps, dans la grotte, sous le grand arbre ou autour du feu, au tout début, avant que l’on construise des écoles et que l’on y fasse des réserves pour les enfants, c’était les conteurs, les conteuses qui étaient maîtres du Jeu. Ils étaient aussi médecins, politiciens, magiciens, et Jean passe, passe le temps… La spécialisation des tâches a permis à ces divers métiers de s’enrichir. Tout le monde est parti de son côté, laissant le conteur seul avec son conte. Et le conte seul, sans conteur.

L’École est malade. Pas seulement à cause des réformes, ni de l’austérité. Elle est malade de ce qu’on ne laisse plus la langue (ni les maths, ou les sciences ou toute autre matière) se raconter. On la dissèque. On l’épingle en formules. On l’étouffe. La langue n’est pas une nature morte. Elle est un fleuve et, comme dit Héraclite : « On ne se baigne jamais dans le même fleuve. »

Pour que les élèves soient allumés, il faut (re)susciter un dialogue avec la langue. Chaque mot a son histoire. Son sens évolue à chaque fois qu’on l’utilise. Comme la nature, il aime à se cacher (Héraclite, encore), à garder un aspect imprévisible, qu’il nous soit connu ou non. Que l’on soit franco ou allophone, dire est toujours acte de création. Chaque phrase est une mise au jeu où des forces se rencontrent et se disputent le point final. Il y a bien sûr des règles à suivre, mais elles ne sont là que pour garantir le suspense, la curiosité et la surprise[1] dans l’acte d’apprendre.

L’année scolaire est une aventure qui dure dix mois. Avec le savoir à la clé. Le programme proposé en septembre subira, comme les promesses électorales, quelques imprévus en cours de route. Mais élèves et enseignants doivent faire le pacte de respecter la langue en tant qu’être vivant. Un pacte scellé dans un clin d’œil… magique !

La magie des mots. Quel cliché ! Mais quelle vérité ! Cette magie s’appelle le conte. Qui d’autre peut nous transporter dans l’espace, dans le temps et mille autres dimensions inconnues d’un seul coup?

Les manuels scolaires contiennent tous des contes. On les lit, on en écrit, à toutes les sauces. Pourquoi alors, aurait-on besoin des conteurs ? Parce qu’en eux et en elles respirent de merveilleuses créatures. En vivant pour le conte, ils en deviennent les légitimes dépositaires. Les mots qu’ils sèment peuvent, comme une pluie, parfois s’évaporer ; ceux-ci rejoignent alors les limbes de notre imaginaire. Les mots peuvent aussi se congeler au fond de notre mémoire ; ils traceront un jour, comme des cailloux, le chemin pour nous sortir du bois. Une chose est certaine, ils finissent tous par rejoindre le grand fleuve d’une façon ou d’une autre.

Les élèves ne sont pas fous. Quand, à la fin de la visite des conteurs, inconnus il va de soi, ils leur demandent un autographe, ils posent là un geste transcendant. Quelque chose en eux a compris le sens profond du mot enseigner : insignare, « mettre une marque. » Ce n’est pas grand chose. Un clin d’œil. Mais durant ce bref instant, un courant, un échange, un ange complice est passé et y a laissé sa trace. Comme lorsque les vieux conteux, au moment opportun, arrêtaient soudain l’action de leur héros et demandaient: « …et qu’est-ce qu’i voit ? » Mémoire, anticipation (sans oublier les sceptiques) étaient confondus, et les auditeurs mordus.

Que le Conte soit avec vous !

 

Michel Pirro

 

[1] Christian-Marie Pons, Réflexion sur le conte, Bulletin du conte, no. 36, été 2015.

 

Illustration:   J.J. Grandville (1803-1847)

Ké-tsiap, la Légende rouge

Ce texte est l’adaptation du scénario d’un spectacle  créé avec les élèves de l’école Barclay, à Montréal, en 2011-2012.

Dédié à une langue en forme de pays, où l’Oiseau-Tonnerre, petit à petit, fait son nid.

Ni-hao, namasté, salem, djamara, himili-wâbo, kwé, bonjour !

 

On vous l’a dit. Vous la connaissez. Vous l’avez entendue de centaines de fois, cette formule pour voyager dans l’espace-temps…

 Non ? Tenez, je le sens déjà ralentir… juste assez pour nous laisser enjamber une minute, une heure, quelques jours, des semaines, des années. L’éternité !

 Quelle direction prendre ? Par là ? Personnellement, je n’ai pas envie de savoir les surprises que me réserve demain, ni quand, ou comment tout cela va finir. Mais je n’ai pas le choix. L’aventure est déjà commencée. C’est elle qui nous pousse en avant.

Attention, risque d’orages !  

* * *

 

Ce matin, lorsque j’ai ouvert la porte de chez moi, je suis arrivé face à face avec un arbre. Un arbre qui avait poussé en plein milieu du trottoir ! Selon toute apparence, il était mort. J’ai fait semblant de l’ignorer, mais quand j’ai voulu le contourner, il m’a accroché par le bras. De sa voix grinçante d’arbre mort, il m’a raconté son histoire.

 « Tu sais, me dit-il, il y a longtemps de ça, très longtemps, j’étais capitaine. Je travaillais pour la marine anglaise. J’étais aussi pirate, un peu, pour arrondir mes fins de mois.

 La vie était dure en ces temps-là. Je n’avais pas grand chose pour nourrir mon équipage. Un matin, comme nous avions accosté au port de Xiaman, en mer de Chine, j’ai laissé débarquer mes hommes tandis que je les surveillais du pont du navire.

 C’était l’heure du petit déjeuner. L’air embaumait des vapeurs de riz cuit et du ké-tsiap, cette sauce au poisson dont les gens recouvraient à peu près tout ce qu’ils mangeaient.  Il y avait-là une vieille dame qui distribuait gratuitement du riz aux enfants du coin. Les gars se sont insérés dans la file. Ne s’est-elle pas rendue compte qu’ils étaient des étrangers, et qu’il s’agissait encore moins d’enfants ? J’en doute. Elle leur a quand-même fait l’aumône d’un bol de riz chacun. »

 L’arbre s’est tu. J’ai remarqué qu’il portait, enroulé autour d’une de ses branches, un bracelet agrémenté de jolies boules dorées. Il a dû sentir mon intérêt, car il l’a tout de suite secoué.  Bling bling. Une boule s’est allumée…

 « Il est beau hein ? reprit-il. Je l’ai volé à une sorcière, dans la mer Égée. La sorcière du Nombril de la Mer. Il faut que je t’avoue, en plus d’être pirate à temps partiel, j’étais aussi  sorcier à temps plein. Grâce à ce bracelet, dont les boules sont magiques, je pouvais, du pont du bateau, observer ce qui se passait sur la terre ferme comme si j’y étais en personne. Et ce qui s’y déroulait m’intéressait au plus haut point…

 Un de mes marins s’en revenait à bord avec un baril sous le bras. L’avait-il acheté ? C’était peu probable, car l’équipage ne recevrait sa paye qu’à la fin du voyage. Je penchais plutôt pour la piste du vol. La vieille ne s’en faisait pas outre mesure ; elle était trop occupée à me regarder d’un air malicieux, droit dans les yeux.

 Le marin dissimula son trésor parmi les barils d’eau-de-vie derrière le mât d’artimon, avant que les autres n’arrivent.  Ils ne tardèrent pas. On ne peut guère s’arrêter quand on court la fortune.

 Le travail en mer est fatigant. Il donne soif ! C’est pourquoi, cette nuit-là, tandis nous filions à fière allure et que la lune dansait sur les vagues, une ombre surgit d’entre les cordages, se faufila vers l’artimon et s’empara d’un des barils. Profitant du passage d’un nuage, le voleur fit sauter le bouchon.

–    Aaaaarrrrkk ! C’est quoi ce poison ! C’est pas buvable.

 L’imprudent avait déjà avalé la moitié du baril avant de réaliser que ce qu’il contenait n‘était pas de l’arek, mais de la sauce au poisson! Furieux, il s’en allait lancer ce qui en restait par dessus bord quand une deuxième ombre se rua sur lui. 

–    Tu n’as pas le droit ! C’est mon ké-tsiap !

S’ensuivit une dure bagarre. Le baril, roulant parmi les coups de pieds et les coups de poings, laissa couler sa précieuse potion sur le pont. Ce qui se produisit ensuite pourra te sembler incroyable, je l’admets ; ce que je te raconte est pourtant vrai. J’étais en train de faire ma ronde, et j’ai tout vu !

 Dans le ciel jusque là si paisible, un éclair éclata, suivi d’un cri rauque à en glacer les veines du plus endurci des pirates. Tel deux billets de dix dollars oubliés sur le comptoir, les deux combattants glissèrent à nouveau hors de vue. À leur place, ou plus exactement à la place où l’éclair avait frappé la flaque de ké-tsiap, se dressait un personnage, maladroit, comme j‘en avais jamais vu auparavant.  Et pour cause, il était transparent !

 Mais plus je regardais, plus il était présent.

–    Qui suis-je? demanda-til, une fois debout.

–    Ni hao ! Tu es l’esprit du Ké-tsiap. répondit une voix claquant au-dessus des voiles.

–    Ké-Tsiap ? Une sauce de poissons, de piment, et de quoi d’autre…

–    Du soya…

–    Ce n’est pas une vie, ça !

–    Si je t’ai appelé, c’est que tu as une grande mission ! Une mission aussi vaste que le          monde !

–    Ah bon ! Et c’est quoi ?

–    Tu verras… tu verras…

 La voix s’éloignait. Ke-tsiap, appuyé sur le bastingage, attendit longtemps la réponse à sa question. En vain. Elle finit par se perdre dans l’inconnu de la mer, et le bateau poursuivit son immense chemin.

 J’en profitai pour m’approcher. Doucement. Lui tapai sur l‘épaule. Il se retourna et, hop, je l’ai capturé dans mon sac magique. Haha ! Et de un… »

Ké-tsiap !  

* * *

  

On dit que, quelque part dans le monde,  des rivières secrètes coulent à l’envers et remontent jusqu’à leur source, dans les montagnes. Ça reste à prouver. Ce que je peux vous assurer par contre, c’est sous cet arbre mort coulait une histoire bien vivante. De la mer de Chine, elle m’a entraîné dans l’océan Indien.

 Assez parlé ! Bling bling ! La boule dorée s’est encore allumée. La vieille branche s’est remise à grincer :

 «  Sacrés marins, ce sont de vrais enfants ! Pour les punir de leur insubordination, j’ai fait balancer par-dessus bord tous les barils d’eau-de vie. Il ne restait plus à boire que de l’eau. De l’eau ! Pour mes hommes, c’était de la torture ! Ils avaient tous la gorge en feu.

 Je risquais la mutinerie. Mon plan d’avenir n’était pas de me faire pendre haut et court par mon équipage. J’ai donc décidé de faire escale à la première agglomération assez grande pour abriter un estaminet : Thiruvananthapuram. Comme à mon habitude, je suis resté sur mon navire pendant que les hommes iraient tenter de s’expliquer aux habitants du village.

 On les accueillit avec maintes namasté des plus chaleureux. Mes gars, en bons sujets de la reine d’Angleterre, ne comprenaient pas un traître mot de ce que leurs disaient ces braves gens. À force de gestes et de grimaces, ils se firent néanmoins conduire à un endroit où soulager leur gosier brûlant.

 Le propriétaire les fit s’asseoir par terre autour de lui. Il brandit soudain un coutelas. Les hommes portèrent aussitôt la main à leur poignard. Ils se ravisèrent pourtant. L’hôte, en quelques coups, avait taillé, pelé et déposé aux pieds de chacun un morceau de ce « roseau qui donne du miel sans le concours des abeilles ». Pour leur donner l’exemple, il se mit à en mordiller un bout pour en extraire le jus divin.

 Pour une surprise, c’en était toute une ! « Çarkara », dit l’Indien. « Çarkara » répétèrent en chœur les marins, ravis.

 Moi, j’avais suivi toute la scène sur mon bracelet. Mais ce n’était pas vraiment cela qui m’intéressait. J’observais plutôt le fils du propriétaire, qui recueillait les copeaux de canne revolant à chaque coup de machette de son père.

 L’enfant était un artiste. Avant même que les marins n’aient terminé leur collation, il avait confectionné de ses mains magiques, une poupée.

 Qu’elle était belle ! Il lui avait fait de longs cheveux qui retombaient sur ses épaules. Des pieds menus dépassaient de son sari. Il en était déjà amoureux !

–    Les poupées c’est pour les filles ! s’écria sa sœur en la lui arrachant des mains.

 Il se leva pour récupérer son œuvre, mais sur un ton ne laissant pas de place à la discussion, son père l’obligea à se rasseoir. Sa sœur, victorieuse, s’en alla jouer avec la poupée pour le restant de la journée. Quand elle eut fini, elle l’oublia à l’autre bout du champ…

 Les marins, de meilleure humeur, regagnèrent le navire. Nous ne pûmes cependant lever l’ancre, car le temps s’annonçait mauvais. À cette latitude-là, les tempêtes ne pardonnent pas.

 Le petit garçon ne ferma pas l’œil de la nuit. Pas à cause de l’orage qui sévissait, il en avait l’habitude. À cause de la poupée. Il lui semblait entendre qu’elle l’appelait de l’autre bout du champ.

 Un éclair plus puissant que les autres éclaira jusqu’à l’intérieur de la maison, suivi d’un cri rauque à en glacer les veines du plus endurci des pirates.

–    C’était quoi ça? s’exclama la mère.

–    Que personne ne bouge ! ordonna le père.

 Personne ne bougea. L’orage passa. Tout le monde se rendormit. Sauf le garçon, qui se leva et, sur la pointe des pieds, sortit dehors retrouver sa poupée au bout du champ.

 Il pataugea dans le noir, dans la boue. Un instinct infaillible le guidait. Il savait qu’au pied d’un arbre, à l’orée de la forêt, elle l’attendait. Il marcha, marcha, jusqu’à ce que quelque chose agrippe le bord de son pantalon.

 Tout autre que lui serait mort de peur. Il regarda simplement par terre. Il aperçut un petit être, à peine plus grand que sa main, qui le saluait.

–    Namasté !

–    Namasté. Qui es-tu ?

–    Je suis Çarkara. L’esprit de tout ce qui est sucré.

–    Wow ! Il faut que je te présente à ma famille !!

 Çarkara hésitait. Elle n’était pas certaine que ce soit une bonne idée. Mais le garçon y tenait tellement, elle se laissa convaincre.

–    Je vais te prendre avec moi, dit-il. On ira plus vite.

–    Je suis capable de marcher toute seule, répondit-elle d’un ton assuré.

 Il n’insista pas. Çarkara avançait d’un pas léger, comme si elle touchait à peine le sol. Le garçon allait vite, courait presque. Mais ce qu’il ne remarquait pas, c’est que la petite créature derrière lui grandissait, grandissait, au fur et à mesure qu’ils s’approchaient de la maison.

 Il poussa la porte et annonça :

–    Je vous présente ma nouvelle amie !

 Sa sœur reconnut, dans les brumes du soleil levant, la poupée aux longs cheveux retombant sur les épaules et aux pieds menus sortant du sari. Elle poussa un cri et s’évanouit !

 Les parents se précipitèrent au secours de la fillette. Lui tapotèrent le visage, lui mouillèrent le front. L’esprit leur tendit un magnifique suçon multicolore.

–    Tenez, donnez-lui ceci. Ça va la réveiller.

–    Qui êtes-vous ?

–    Je suis Çarkara, dit-elle. L’esprit de tout ce qui est sucré.

–    D’où avez-vous sorti cette chose ? C’est de la sorcellerie ! s’indigna la mère.

–    Quittez tout de suite cette maison ! ordonna le père.

 Çarkara recula. La fillette, qui avait retrouvé tous ses sens, s’empara du bonbon en suppliant :

–    Noooonnn ! Ne pars pas !

 Çarkara tourna les talons.

–    Je connais le chemin… furent ses derniers mots aux enfants qui voulaient la retenir.

 Elle se rendit au bout du champ, là où l’éclair lui avait donné vie, s’appuya au tronc de l’arbre et s’endormit.

 Un grand jeune homme, avec de beaux yeux bridés, vint s’asseoir auprès d’elle. Elle s’éveilla.

–    Ni-hao! Je m’appelle Ké-tsiap. Et toi ?

–    Çarkara.

–    Çarkara, c’est un joli nom. Tu veux être mon amie ?

 Elle le regarda. Il avait l’air sympathique.

–    D’accord ! Je m’ennuie toute seule.

–    Il faut d’abord que tu prennes une surprise dans mon sac…

 Çarkara avait beau être un esprit, elle était très curieuse. Le sac était très merveilleux, brodé de fils d’or. Elle risqua un œil dehors, puis un autre dedans… Et hop ! la voilà capturée.

 Ké-tsiap noua le cordon et s’en retourna au bateau, où je l’attendais.

–    Mission accomplie, capitaine. Qu’est-ce que je mérite ?

–    Tu mérites de retourner dans le sac toi aussi !

–    Mais, mais, vous m’aviez promis…

 Pauvre Ké-tsiap, comment pouvait-il savoir qu’il ne faut jamais se fier aux promesses d’un pirate. Et hop, le tour était joué ! Je serrai le cordon du sac.

 Et de deux…

Ké-tsiap, Çarkara ! »

  

* * *

 

Cela faisait un bon moment que j’étais planté là, en plein milieu du trottoir, à écouter les grincements d’un arbre mort. Une chance qu’en ville, personne ne s’intéresse à ce que font les autres. Sinon, c’est sûr qu’on m’aurait pris pour un fou !

 Attention, ça continue…

 « Capturer Çarkara, quel coup fumant ! Ma fortune était assurée. Tout le monde aime les sucreries qu’elle multiplie à l’infini. Grâce à elle, je pourrais me procurer plus de richesses qu’il est possible d’imaginer !

 J’aurais pu terminer mon voyage et rentrer chez nous. Penses-tu ? J’ai plutôt mis le cap sur une nouvelle escale. Mon flair m’entraînait à larguer les amarres. Une délicieuse odeur d’aventure, qui en promettait toujours plus.

 Je déroulai la carte d’un gigantesque continent : l’Afrique ! Mon doigt parcourut tous les endroits possibles où pouvait se cacher une nouvelle prise. La boule dorée à mon poignet s’alluma. Bling bling! Je touchais l’Éthiopie. Ainsi fut décidé.

 Le pays était aride. Nous jetâmes l’ancre à l’abri d’un gros rocher. Il valait mieux observer avant de débarquer.

 Petit détail : nous étions tout autant observés qu’observateurs. En haut de la falaise, vivait un berger avec sa famille. Quand il nous vit arriver dans notre grand vaisseau toutes voiles dehors, il sentit la bonne affaire. Il courut dire à sa femme de veiller sur le troupeau et partit à notre rencontre.

 Madame était occupée à allumer le feu, qu’elle ne pouvait laisser sans surveillance. Elle délégua donc la tâche à ses enfants. Ceux-ci, un garçon et une fille, acceptèrent d’obéir, mais pas avant d’avoir fini de jouer à cache-cache. Les chèvres, de leur côté, gambadaient en toute liberté, broutant à qui mieux-mieux tout ce qui bon leur semblait.

 C’est ainsi que, de fil en aiguille, ces chères bêtes découvrirent derrière la colline un arbuste jamais vu ni connu, aux jolis fruits rouge vif qu’elles se mirent à croquer. La grande sœur, qui les avait suivies, n’avait jamais remarqué la plante aux belles baies non plus. Elle s’en emplit les poches pour faire voir à sa mère. Imitant les chèvres, elle en croqua même une.

–    HHEEERRRRRKKKK !

 Elle sentit soudain une tape sur l’épaule.

–    Je t’ai trouvée ! Tu as perdu !

–   C’est pas juste, protesta la fillette. La partie est finie. Et puis, je me suis étouffée avec ça.

–    Fais voir ! fit frérot.

 Elle lui montra la poignée de baies.

–    Wow !

 Il les chipa et s’enfuit avec. Elle s’élança à sa poursuite. Oubliant le jeu (et les chèvres), ils arrivèrent essoufflés devant le feu allumé. Ils firent part de leur découverte à leur mère. Celle-ci regardait plutôt les chèvres prises d’une soudaine crise de folie. Se prenant peut-être pour des oiseaux, elles caracolaient sans aucun bon sens, éparpillées un peu partout, sans vouloir s’arrêter.

–    Jetez-moi ça dans le feu toute de suite ! fut sa réponse.

 Les enfants obéirent comme tout à l’heure. Il se dégagea aussitôt du brasier une odeur exquise. Même maman reniflait avec délice. Le plaisir fut de courte durée… Un énorme nuage jaune se dirigeait à une vitesse effarante en leur direction.

–    Une tempête de sable !

 Ils eurent à peine le temps de se réfugier dans la hutte.

 Un éclair éclata, suivi d’un cri rauque à en glacer les veines du plus endurci des pirates. Autour du feu, une silhouette ondula dans le vent. Elle dansait malgré les rafales, de plus en plus violentes, venant du nuage, comme pour les accueillir.

 L’étrange personnage s’immobilisa enfin, regarda autour, puis alla frapper sur la peau de la hutte.

–    Qui êtes-vous ? demanda la mère.

–   Salem. Je suis Qahwah. On m’appelle aussi l’Énergique. Pourriez-vous m’abriter, en attendant que vent se calme?

–    Nous ne refusons jamais l’hospitalité, surtout durant une tempête. Entrez !

 En guise de remerciement, Qahwah fit apparaître un bol de boisson chaude et l’offrit à son hôtesse. La porte s’ouvrit soudain. C’était le père. Il s’écrasa sur le sol, épuisé. Il avait dû récupérer, sous les coups de cravache du vent, les chèvres égaillées aux quatre coins du village.

–  Goûtez-moi ça, lui dit Qahwah en lui présentant le liquide noir fumant. Ça va vous requinquer !

–    C’est qui celui-là ? demanda l’homme.

–    Je suis l’esprit que l’éclair a déposé devant chez vous. Qahwah l’Énergique, pour vous servir.

 Le père commença à trembler.

–    Un esprit ? Ah ! Ah ! , et il tomba dans les pommes… 

 Qahwah ne savait pas comment réagir. La mère prit le bol de ses mains, le porta aux lèvres de son mari. Celui-ci but quelques gorgées et se releva, en pleine forme.

–    Hmmm ! Cette boisson est formidable !

–    C’est pour vous remercier de votre hospitalité.

–    Oh ! Ce n’est rien. Vous pouvez rester tant que vous voulez !

 La tempête aussitôt calmée, une foule de curieux se rassembla devant la hutte du  berger ; attirée par le cri épouvantable qu’on avait entendu à des lieues à la ronde, mais aussi par l’odeur de la boisson de Qahwah. Parmi les visiteurs venus écornifler, il y avait bien sûr les cousins, les voisins, mais aussi des marins de passage… et une élégante jeune femme en sari.

 Qahwah distribuait sa boisson miracle à tous. Dans le brouhaha, Çarkara (c’était elle, vous l’aurez deviné !) leva soudain la voix:  

–    Moi je trouve cette liqueur beaucoup trop amère. Elle serait plus savoureuse en y ajoutant ceci…

 Elle sortit d’un sac des petits morceaux couleur de soleil qu’elle émietta au-dessus de chacun des bols des invités, un peu méfiants. La bergère goûta en premier. Elle hocha la tête et sourit. Tous firent alors comme elle.

 Les gens se mirent à parler de tout et de rien. De tempêtes de sable et de beau temps… Qahwah s’approcha de Çarkara. Son sac, en particulier, l’intriguait.

–    Tu le trouves beau ? dit-elle. Tiens, regarde… Il est brodé de fils d’or.

 Qahwah regarda. Et hop ! D’un coup sec, un troisième pour ma collection !

Ké-tsiap, Çarkara, Qahwah ! » 

  

* * *

 

J‘étais sur le point de me faufiler pour aller prendre une bonne tasse de qahwah moi aussi, quand une branche de l’arbre m’accrocha par le collet et me colla, bling bling, son bracelet à l’oreille. D’un grincement étouffé de racines coincées dans le ciment, le récit reprit:

 « Avec Qahwah et Çarkara en poche, j’avais enfin des atouts solides, mieux qu’avec ce mollasson de Ké-tsiap. J’aurais pu conquérir le monde. Mais j’ai continué ; ça été le début de ma fin. On ne sait pas une chose avant de l’avoir appris.

 L’Afrique est le continent où tout commence et tout finit. Le bateau, comme s’il avait glissé sur une feuille de palmier, se posa en rive de Guinée. Au bout d’une de ses nuits éternelles, le bracelet s’était à nouveau réveillé. À l’affiche : un roi et une reine. Assis majestueusement sur leur trône, ils régnaient sur leur fils unique.

–    Maman, papa, est-ce que je peux cueillir une banane ?

–    Non.

–    Pourquoi ?

–    Parce que l’araignée Zing-Zing se cache par-là.

 Le prince insista, papa et maman ne voulaient rien entendre. Il se tourna alors vers Joko, son inséparable petit singe et lui fit signe. L’animal grimpa dans l’arbre et a détaché une belle grosse banane, mûre à point.

–    Bien choisie, Joko ! Maintenant redescends et donne-la-moi.

 Le singe était plus malicieux que le maître. Il ouvrit d’un coup de dents et dégusta le fruit. L’un criait, trépignait, fusillait des yeux ; l’autre répondit par des grimaces. Quand tout-à-coup…

–    Là… la… l’a….

 L’araignée Zing-Zing, dérangée dans son sommeil, pointait ses pattes sur la tête du primate. Et qu’arriva-t-il ?

–    L’araignée l’a piqué ! dit le roi.

–    Il est devenu zing-zing ! dit la reine.

 Le singe dégringola jusqu’au au sol. Avec un bruit sourd, la banane atterrit à ses côtés. Ils restèrent tous deux étendus, inertes pendant quelques secondes. Mais ce Joko en avait vu d’autres. Mu par je ne sais quel ressort, il bondit sur ses pattes et s’empara de son précieux butin. Il se mit alors à zigzaguer en tous sens, poursuivi par le prince, tumultueux héritier du trône.  Les parents écarquillaient des yeux souverains.

 Un nuage de poussière brune montait de ce branle-bas.

–    Arrêtez ! toussa la reine, vous salissez mon boubou.

–    Arrêtez ce boucan, sinon… sinon… hurla le roi, en agitant son bâton.

 Soudain un éclair éclata, suivi d’un cri rauque à en glacer les veines du plus endurci des pirates. Le singe en échappa sa banane. Patatras ! Gare à qui y met le pied !

 Une fois la poussière dissipée, le roi et la reine se retrouvèrent devant un bien déroutant spectacle. Devant eux, s’empilaient en tas : des bras et des jambes de prince, des oreilles et une queue de singe et, parmi tout ça… la tête jaune et pointue d’un nouvel esprit !

–    Djamara ! On m’appelle Banana dit celui-ci. Désolé, ma pelure est un peu glissante.

 Le prince et le singe se regardèrent. Étonnés. Éberlués. Puis furent saisis d’un immense fou-rire qui fit s’envoler les oiseaux des arbres.

Du bord de mon bracelet, j’avais bien entendu assisté à la scène. Je me suis empressé de délier les cordons du sac où étaient enfermées mes précédentes captures et j’ai appelé :

–    Ké-Tsiap !

 Pas de réponse. J’ai répété encore, plus fort.

–    KÉ-TSIAP !!

–    Euh… Oui, maître.

–  Va me démêler cet embrouillamini humain-animal-végétal et ramène-moi tout de suite cet hurluberlu de Banana !

–    Oui, maître. Ne vous inquiétez pas.

 Lorsque Ké-tsiap arriva sur les lieux (il avait traîné la savate), la situation avait pas mal empiré. Le fou-rire avait gagné les parents puis, par décret royal, le royaume en entier.

 À l’arrivée de Ké-tsiap, tout ce beau monde figea. Sauf Banana.

–    Djamara ! lança-t-il. Viens te joindre à nous Ké-tsiap.

 Que pensez-vous qu’a fait ce grand fainéant ? Il a hésité un peu (oh si peu !), et il est entré dans la danse avec les autres ! J’ai rouvert mon sac et j’ai appelé  Çarkara.

 Pas de réponse…

–    Çarkara ! Sukkar ! Zucchero ! Azucar ! Sugar ! Sucre !! me suis-je énervé… Peu importe ta langue, réveille-toi !

–    Euh… euh… Oui maître ?

–   Va chercher Banana ! Et récupère en même temps cette espèce de sauce aux sardines de Ké-tsiap !

–    Tout de suite maître !

 Çarkara se rendit encore plus lentement que son prédécesseur. Elle avait les pieds collants à cause de la chaleur. En la voyant, la foule en délire gela net. Sauf Banana :

–    Djamara ! Tu viens faire la fête avec nous ?

–    Mais, le maître…

 Elle n’eut pas le temps de finir sa phrase. Une main l’a entraînée et elle a commencé à se trémousser au son du tam-tam. Je me suis mis à voir rouge !

–    Qahwa ! criai-je dans le sac.

–    Oui maître !

–    Ah ! Toi, au moins, tu n’es pas endormi.

–    On ne m’appelle pas l’Énergique pour rien !

–   Très bien! Tu es mon dernier espoir, Qahwah. Si tu me ramènes ces lâches par les oreilles, je te nommerai second de ce bateau, promis.

–    C’est comme si c’était fait, maître !

 Vous devinez bien ce qui s’est passé… Qahwah n’était pas différent du reste. Il s’est joint au bal. Le problème c’est qu’il était suivi, à la queue-leu-leu, par mes marins venus festoyer aussi.

 Je n’avais plus que moi-même sur qui compter. Je pris mon masque le plus épeurant (j’en ai toujours deux ou trois, particulièrement laids, cachés au fond de ma manche. On ne sait jamais, ça peut servir…), et je suis descendu voir en personne ce qui se passait.

 L’effet fut instantané. La joyeuse bande de fêtards, prise d’épouvante, se dispersa tel des insectes quand on soulève une roche. Je n’ai plus jamais revu aucun de mes marins. Avec ses lianes, la jungle se les est appropriés. Tant pis pour eux!

 Seuls restèrent en place les esprits qui m’avaient trahi. Un regard suffit. Un par un,  ils retournèrent bien sagement au fond de mon sac. Et hop ! :

Ké-tsiap, Çarkara, Qahwah… et le petit dernier, Banana !

Le soir-même, sans équipage, sans même attendre le bling bling du bracelet ensorcelé, je levai l’ancre vers la terre qui fait les millionnaires, les milliardaires, les multimilliardaires : l‘Amérique !

 Les vents étaient favorables. Le navire voguait vers le gros ballon rouge à l’horizon. Dans ma tête, je comptais tout l’argent que me rapporteraient mes prisonniers aux superpouvoirs gastronomiques… Les pauvres ! Je les entendais se lamenter à l’intérieur du sac. Mais le cordon était noué de la main du plus puissant sorcier du monde : MOI ! Ha ! Ha ! Ha !»

  

* * *

 

 L’arbre, soudain, s’est tu. Il me fallait absolument savoir la suite de cette histoire ! J’attendis le bling ! bling ! longtemps, trop longtemps. Je le saisis par le tronc et le secouai un peu. Un  mince filet de liquide rouge coula de son écorce desséchée.  

 Le bracelet enfilé autour de la branche a finalement sonné. Par le reflet du soleil qui surgissait au-dessus des toits, la magie de la sorcière du Nombril de la Mer est entrée en moi, pour que je puisse vous raconter ce que j’ai vu et entendu. Pour que cette histoire, comme un élastique, s’étire de ma bouche jusqu’à vos oreilles. Et pousse dans votre tête.

 Ce que le pirate ne savait pas, c’est que ses prisonniers avaient plus d’un tour dans son sac. Son sac 100% purs poils de la barbe du diable, impossible à percer.  Ils élaboraient un plan pour s’enfuir.

 On peut trouver des choses intéressantes dans le fond d’un sac. Des choses comme l’amitié… ou une idée comme celle de danser la danse de l’araignée Zing-Zing ! C’est notre ami Banana qui l’a dénichée celle-là. Peut-être qu’ainsi on pourrait appeler l’éclair. Peut-être pourrait-il nous envoyer du renfort ? Ça ne coûtait rien d’essayer.

 La danse de l’araignée Zing-Zing est facile. Il s’agit d’y croire et zing !, on se retrouve avec huit pattes autour du corps! Les compagnons de fortune, malgré l’espace réduit où ils se trouvaient, esquissèrent quelques pas. La réponse ne se fit pas attendre. Ce fut non pas un, mais deux éclairs qui éclatèrent, suivis de deux cris rauques à en glacer les veines du plus endurci des pirates !

 Foudroyée en plein milieu, la frégate sombra corps et biens. Le capitaine ne savait pas nager. Agrippé à son rêve de fortune, il fut englouti dans l’Atlantique. Le sac diabolique, quant à lui, continua de flotter. Une vague le jucha sur sa crête et le transporta jusqu’en Amérique où il fut déposé sur une plage, sain et sauf.

 Le nœud se défit de lui-même. Ses captifs déboulèrent à l’air libre, libres comme dans Liberté !

 Ké-tsiap n’en croyait pas ses poumons. Respirer à grandes goulées cet air à la fois si léger et si intense, si riche de parfums inconnus, quel bonheur ! Quelle terre pouvait donner naissance à une si merveilleuse nature? Si semblable, si différente.

 La curiosité peut mener loin. De ses pieds tremblants il foula l’herbe à l’ombre de secrets verts virés à l’envers. Il s’arrêta devant une plante dont il éplucha un énorme épi, gonflé de grains juteux.

–    Hé ! Venez voir ! cria-t-il aux autres.

 Personne ne répondait. Il appela plusieurs fois, sans résultat. Il retourna là où la vague les avait déposés.

 La plage était déserte. Aucune trace de ses amis. La mer les avait probablement repris avec le sac diabolique.  Qu’allait-il faire sans eux ? Lui qui n‘était qu’une sauce… À quoi sert une sauce sans rien à accompagner ? Sa joie venait de fondre.

 Une lame venue du bout du monde, de sa mer de Chine, vint mourir à ses pieds, puis se retira. Dans le crépitement du ressac dans le sable, on entendit des voix, toutes menues : « Namasté ! Salem !! Djamara !!!  Nous sommes là, Ké-tsiap. »

 Ils étaient là! Il entendait, mais ne voyait pas. Ni vers ses pieds, ni vers le ciel, ni vers la mer, ni vers le vert. Soudain un petit animal aux couleurs chatoyantes, mi-insecte, mi-oiseau, qui butinait les fleurs près d’un ruisseau, s’approcha.

–    Himili wâbo ! salua Colibri. Comment puis-je t’aider ?

                                                                              Dan Pancamo

 Ké-tsiap lui expliqua la situation. Colibri soupira, et lui dit ceci :

–   Ce n’est pas tout le monde qui est capable de subir le choc de la liberté. À peine eurent-ils respiré l’air de ce pays, tes amis ont tout simplement éclaté en mille morceaux. Pouf ! Pulvérisés ! Mais ne t’en fais pas, ils ne sont pas morts ; ce sont des esprits.

 Le petit Colibri, qui connaissait chaque grain de sable de cette plage, de son bec long et pointu aida Ké-tsiap à cueillir les atomes de Çarkara, Qahwah, Banana éparpillés ça et là et à assembler le puzzle. L’affaire fut rondement menée. Il ne leur manquait à récupérer que quelques granules (qui sont restées à jamais sur les lieux), quand un individu sortit en panique des épaisseurs de la forêt, bientôt suivi d’un autre, tout aussi affolé. Puis d’une bande de guerriers brandissant des pieux acérés.

–    Les Arawaks ! Ce sont des pirates, avertit Colibri. Cachez-vous !

 Ké-tsiap et les autres se réfugièrent derrière le tronc d’un arbre mort, d’où ils assistèrent horrifiés à la saisie des deux fugitifs, rapidement encerclés et attachés.

–   Amenez-les moi ! ordonna le chef. Je vais réfléchir auquel de nos dieux offrir ces Karibes en sacrifice.

–    Nous ne sommes pas Karibes, protesta un des malheureux.

–    Qui êtes-vous alors ? Et que faisiez-vous dans notre champ? Vous ne m’avez l’air trop malins pour être de simples chapardeurs de légumes. Vous êtes des espions !

–   Nous sommes des esprits. Nous sommes nés quand un éclair a frappé le potager. Je suis l’esprit du Maiz.

–    Et moi l’esprit des Batatas.

 Le chef éclata d’un grand rire, imité par ses guerriers.

–   Batati et Batata… deux esprits ! Écoutez donc ça ! Accomplissez quelque chose de magique pour le prouver, sinon on vous fera griller sur le barbecue. Détachez-les, ordonna-t-il.

 On défit leurs liens. Maiz et Batata s’empressèrent d’étaler leurs pouvoirs. Qui en prodiguant frites blondes et croustillantes et chips à volonté à tous les témoins présents. Qui en produisant sous leurs yeux ravis des montagnes de popcorn sucré, épicé, ordinaire, comme vous voulez…

–    Très impressionnant ! conclua le chef Arawak. Malheureusement, ça ne ressemble ni à du maiz, ni à des batatas. Rattachez-les et emportez-les-moi au village!

 De leur cachette, Ké-tsiap et ses amis avaient tout vu.

–    Que va-t-il leur arriver ? chuchota Qahwah.

–    Je ne sais pas, murmure Çarkara. Mais ce sont nos frères. Eux aussi ont nés de l’éclair. Il faut les aider.

–    Ces Arawaks ont l’air de cannibales. C’est dangereux ! protesta Ké-tsiap.

 Il n’y a rien de plus dangereux que la peur. Ké-tsiap avait parlé trop fort. On les avait repérés. La troupe de guerriers, pieux tendus à la main, se dirigeait rapidement vers eux.

 Çarkara se leva et salua :

« Ni-hao, namasté, salem, djamara, himili-wâbo! »

–    Que fais-tu ? Tu es folle ! Ils vont t’embrocher !! renâclèrent les autres.

–    Je les transforme en statue.

 Elle continua : 

« Ni-hao, namasté, salem, djamara, himili-wâbo! »

 Les autres, soudainement envoûtés, se mirent à chantonner avec elle :

 « Ni-hao, namasté, salem, djamara, himili-wâbo! »

 Les guerriers ralentirent peu à peu, puis cessèrent de bouger. Les esprits en profitèrent pour aller délier les liens de leurs nouveaux amis. On pleura de joie, on s’embrassa, on fit ses présentations… tandis que les Arawaks recommençaient, peu à peu, à bouger. Ils avaient été transformés en zombies, pas en statues!

 Colibri sonna l’alarme. L’oiseau à gorge de rubis piqua tel une flèche vers le tronc d’arbre et le transforma en pirogue, assez grande pour qu’ils puissent tous s’enfuir. Vite !

 Les zombies affamés approchaient. On poussa l’embarcation à l’eau, on sauta à bord. On saisit des pagaies, et on gagna le large. Alors Ké-tsiap se retourna. Il chercha Colibri. Il aurait voulu lui adresser un dernier salut avant de partir. Impossible de le retracer dans la déjà lointaine végétation.  Une voix minuscule lui murmura cependant à l’oreille: « Tu rougiras toi aussi, un jour. »

–    Himili wâbo ! » lui répondit Ké-tsiap.

  

* * *

  

De coup de pagaie en coup de pagaie, la bande vit le soleil se coucher derrière les montagnes. Puis de l’autre côté, se lever dans la mer. Puis se coucher, et se lever encore. Puis encore… encore.

 Les esprits n’éprouvent pas la faim. Ils mangent seulement pour le plaisir de partager quelque chose. Ké-tsiap, lui, n’était pas comme les autres. Son estomac vide le tiraillait. Il aurait bien ajouté un poisson à sa sauce, mais de peur des réactions, il n’osait pas se plaindre.

 Qahwah le perspicace avait deviné son tourment. Il fouilla de sa main le fond de la pirogue et, oh surprise, tomba sur un long bâton avec une corde et un hameçon au bout ! Il la présenta à Ké-tsiap, qui lança aussitôt la ligne à l’eau.

 Avant que le soleil ne fasse bling ! bling ! dans le ciel, il s’écria : « Ça mord ! J’en ai attrapé un ! »

 Il tira sur la ligne. Au bout était accroché… une vieille branche? Un squelette ! Le bracelet aux breloques dorées pendant à son poignet leur apprit tout de suite à qui ils avaient affaire.

–    Ah ! Ha ! Vous pensiez vous être débarrassés de moi. Eh bien ! Sachez qu’un sorcier ne meurt jamais vraiment. Et maintenant vous allez tous vous en retourner sagement à la maison…

 Le squelette brandit le sac dégoulinant qu’il avait récupéré dans les profondeurs. Banana n’hésita pas une seconde. Il asséna un coup de pagaie d’une telle force que tous les os de l’hideuse créature se disloquèrent.   Le pirate – ou ce qu’il en restait – s’en alla retrouver les fonds d’où il était apparu.

 Bling bling bling bling… Le tintement du bracelet, de plus en plus faible, le suivit.

 Mais la pirogue était déjà loin. Les six esprits pagayèrent comme ils n’avaient jamais pagayé de leur vie, traversant des nuits étoilées, rencontrant baleines, ouragans… et, un beau jour, tandis qu’ils longeaient la côte, un ours. Assis sur le bord de l’eau, il semblait les attendre depuis longtemps.

 Ké-tsiap et sa bande donnèrent ce qui leur restait d’énergie pour passer tout droit. Un ours, ça nage pas mal mieux qu’un pirate. L’animal impassible les regarda s’enfoncer dans le brouillard, dans le froid. Il se secoua puis retourna dans sa forêt.

 Le voyage touchait à sa fin. Les voyageurs décidèrent de toucher terre… mais quelle terre ! Des arbres couleur de sang et un ciel d’où tombent des flocons blancs !

–    Je tremble, s’étonna Çarkara. Même si je n’ai pas peur.

–    Tu grelottes, dit Maiz. Va falloir trouver de quoi se couvrir.

 Deux enfants venus taquiner les ménés avaient aperçu la pirogue arriver du large. Jamais ils n’avaient vu d’êtres aussi bizarres que ceux qui en étaient débarqués.  Ils coururent chercher Eau Douce, leur mère. Quand celle-ci les vit, collés les uns sur les autres pour se réchauffer, elle se dit qu’ils devaient venir de très loin ; ils n’étaient pas du tout habillés pour vivre ici.  Elle se leva.

 Quand elle revint, elle était accompagnée de plusieurs autres personnes. Ils avaient apporté des fourrures.

–    Kwé ! Je ne sais pas qui vous êtes, ni d’où vous venez. Je sais seulement que vous avez besoin de ceci, dit-elle pendant qu’on couvrait de fourrures les épaules des visiteurs.

 Les esprits comprennent parlent une langue que tout le monde peut comprendre.

–    Je voudrais vous remercier, madame, déclara Qahwah d’un ton solennel. Je voudrais vous faire goûter à ma boisson chaude énergique, mais mes pouvoirs sont trop gelés pour accomplir quoi que ce soit.

–   Ne vous en faites pas, répondit la bienveillante femme. Mon mari a tué un ours aujourd’hui, et nous avons assez de nourriture pour vous inviter, vous et vos amis, à notre grande fête ce soir !

 Une discussion très animée s’engagea, lorsqu’un guerrier à l’air bourru déboucha de la forêt.

–    Oh non ! Pas un Arawak ! pensèrent les esprits.

–    Pégwamugsin ! Je suis Mi’kmac. 

–   Kwé kwé ! salua Batata en s’avançant. Ces esprits sont mes frères et mes sœurs. Ils nous ont sauvé la vie, à Maiz et à moi. Tu peux leur faire confiance.

 Ké-tsiap, surpris, demanda à voix haute :

 –  Vous vous connaissez ? 

–  Nous avons déjà voyagé nous aussi, répondit Maiz en lui faisant un clin d’oeil.

–    Bien ! approuva le chef. Il me fait plaisir de vous inviter officiellement au Grand Feu de ce soir. Nous mangerons Ours et nous aurons un invité très spécial.

 Un feu ! Nos amis, transis même sous leurs fourrures, ne demandaient pas mieux !

 Ce soir-là, Ké-tsiap, Çarkara, Qahwah, Banana, Maiz et Batata prirent donc place autour du feu, comme membres de familles de la tribu. On avait remercié Ours et on avait mangé. Puis on avait dansé. Pendant la cérémonie, les danseurs appelaient Koulou, Koulou !

Les esprits s’étaient bien réchauffés. Ils se servirent de leurs pouvoirs pour offrir à leurs hôtes toute une variété de friandises et de gâteries, totalement inconnues dans ces contrées boréales. Les danseurs appelaient Koulou, Koulou…

Quand tout le monde eut le ventre bien plein, on se leva on appela tous en choeur Koulou, Koulou ! Soudain un éclair éclata, suivi d’un cri rauque à en glacer les veines du plus endurci des pirates. Un oiseau plus grand qu’un homme, à plumes de feu, est apparu. Koulou, l’Oiseau-Tonnerre !

 

La surprise était générale. C’était la première fois, de mémoire de Mi’kmac, que le dieu se présentait si rapidement. Il avait plutôt l’habitude de se faire prier. C’est qu’il avait un rendez-vous important.

 En effet, tapi dans l’ombre du sous-bois, un sinistre personnage guettait, comme un félin guette sa proie. Et cette proie allait tout juste se jeter dans ses pattes… Un enfant effrayé par l’apparition de l’Oiseau-Tonnerre s’était enfui loin du groupe. Le squelette-sorcier le captura et l’enferma dans son sac.

 Bling ! Bling ! Le sorcier-squelette sortit de son trou, agitant son butin. Une maman entendit la voix étouffée qui criait à l’intérieur du sac. Elle se précipita à son secours mais fut à son tour aspirée dans le piège qu’on lui tendait.

–    Libère ces gens tout de suite ! ordonna l’Oiseau-Tonnerre.

 Le squelette sourit de toutes ses dents. Il ouvrit le sac et laissa ses deux captifs s’échapper. Il se tourna alors vers les esprits, blottis près du feu, et se mit à chantonner :

« Ké-tsiap, Çarkara, Qahwah, Banana, Maiz, Batata… »

 L’un après l’autre, ceux-ci se levèrent et retournèrent sagement dans le sac. Mais le sorcier n’avait pas terminé sa malédiction. Il continua :

« Koulou ! »

 Les Mi’kmacs furent saisis d’horreur. Ce démon osait s’en prendre à l‘Oiseau-Tonnerre ! Il était soit totalement fou, soit très puissant. Le combat risquait d’être destructeur…

 Le squelette poursuivit :

« Koulou !   Koulou ! »

 De fines ondes électriques s’échappaient des yeux de celui qu’on appelait: Koulou.

« Koulou !   Koulou ! »

 Les spectateurs avaient fui. La lune et les étoiles s’allèrent réfugier derrière le ciel.

 « Koulou !   Koulou ! »

 C’était un «koulou» de trop. Le squelette fut frappé d’un éblouissant éclair. Un rire démoniaque secoua ses os.

–    Ha ! Ha ! Ha ! Je te remercie, Tonnerre, de me faire ainsi cadeau ton pouvoir. Je vais bien m’en servir. Tu vas voir.

 Les éclairs se mirent à pleuvoir. Mais plus il se faisait bombarder, plus le squelette prenait de la force. Koulou épuisait ses ressources. Le sorcier jubilait. Son plan avait fonctionné à merveille. Chargé à bloc du pouvoir magique du dieu, il pouvait enfin accomplir ce dont il avait toujours rêvé : remplir d’esprits son sac d’épicerie, et les faire obéir à ses quatre volontés !

 Il claqua des doigts, appela « Tsocolatl ! », et un premier esprit tourbillonna devant lui. L’esprit du chocolat! Tsocolatl alla rejoindre les autres dans le sac. L’Oiseau-Tonnerre ne réagissait pas. Rassuré, le sorcier recommença. « Cacahuètl ! ». Un second esprit dégringola sur scène, aussitôt expédié avec les autres. Puis ce fut le tour de « Tomatl », la rouge, la ronde, qui s’en fut grossir les rangs des entassés du sac.

 Le squelette-sorcier claqua ses doigts encore une fois… Mais, cette fois, il ne se produisit rien. Il avait la pile vide, le pouvoir fini ! Koulou s’approcha. Le sorcier-squelette leva un regard implorant.

 L’Oiseau-Tonnerre n’eut aucun besoin d’intervenir ; son ennemi avait causé sa propre perte. Le pouvoir utilisé à des fins égoïstes gaspille tout ce qu’on a de vie. Le capitaine-pirate-sorcier-squelette se transforma instantanément en un arbre plus sec que la mort, condamné à raconter pour toujours son histoire à ceux qui ne l’écoutent pas. Qui ne le croient pas. À tous ses noms il pouvait dorénavant ajouter celui de fantôme.

 Le calme revenu, les Mi’kmacs sont ressortis de leurs cachettes. Koulou et le squelette avaient disparu. Le sac maléfique gisait ouvert par terre. Seul dans la clairière, éclairé par les reflets du feu, se tenait un arbre mort, avec un drôle de bracelet à une de ses branches. Autour de lui, la joyeuse bande d’esprits célébrait la victoire.

–    Là, je peux le dire : mission accomplie ! s’exclama Ké-tsiap.

–    Quelle mission ? demanda Maiz.

–    Une mission vaste comme le monde, qu’il avait dit Koulou…  Nous avons fait goûter de nouvelles saveurs à tous les peuples.

–    C’est frère Ours qui va être content, interrompit Eau Douce. Il va pouvoir prendre des vacances !

 On termina la nuit sous les aurores boréales, dans la joie et la bonne humeur. Le lendemain, au moment de chanter les « au revoir », chacun s’apprêtant à retourner chez soi, Ké-tsiap restait muet.

–    Moi je reste ici, dit-il finalement. J’ai trouvé mon ingrédient spécial.

 Devant les airs interrogateurs de tous ceux et celles qui étaient présents, il se dirigea vers Tomatl. Il la prit par la main. Tomatl déposa un baiser sur sa joue. Un concert d’applaudissements fusa  de toutes parts.  Ké-tsiap devint rouge, rouge, comme une…

–    Oh ! Regardez ! s’écria un enfant.

 Un petit animal, mi-insecte, mi-oiseau, aux couleurs fabuleuses, bourdonnait autour de l’arbre mort. Jamais Colibri n’était remonté aussi loin vers le Nord. C’est qu’il tenait, avant que tout ce beau monde ne retourne chez soi, à leur montrer quelque chose. Il s’approcha de la branche où était suspendu le bracelet aux boules dorées. Il posa son bec sur l’une d’entre elles. Celle-ci se mit aussitôt à grossir, grossir, comme la gorge d’une grenouille à la saison des amours, jusqu’à ce que…

  

 

* * *

 

On se retrouve sur le bord de la 132, quelque part entre Saint-Alexis et Pointe-Fraser. Une rutilante limousine noire se stationne devant un ancien autobus scolaire transformé en casse-croûte monté sur des blocs de béton, le Snack Bar Chez Raymond. Quelques clients sont attablés sous un parasol.

 Un élégant monsieur, chemise blanche à manches retroussées sous une barbe impeccablement longue, peau cuivrée et turban orangé, descend de la voiture et se présente au comptoir.

–     Bonjour ! Qu’avez-vous à manger ? demande-t-il avec un impeccable sourire.

 Raymond se gratte la tête, chasse les mouches qui lui tournent autour, puis répond :

–   Je crois que vous serez mieux servi là-bas, dit-il en pointant le Restaurant chez Raymonde, mets canadiens, salle à manger de l’autre côté de la route.

 Puis, avec un clin d’œil grand comme le fleuve qui coule en arrière, il ajoute: « Notre ketchup a la même couleur ! »

 L’homme, toujours aussi souriant, le remercie… sans oublier de se prendre quelques sachets de ketchup pour la route.

 La limousine retraverse donc la route et se dirige vers le stationnement du Restaurant Chez Raymonde. Le monsieur descend cette fois accompagné de ses gardes du corps, revêtus de leur impeccable veston.

 Raymonde est une femme avisée. Elle reconnaît tout de suite le candidat aux élections fédérales. Elle lui offre de s’asseoir dans la salle à manger. Le candidat préfère s’installer à la fenêtre ; la vue y est plus belle.

–    Je vous propose le menu du jour ? dit-elle.

–    C’est quoi ?

–    Du pâté chinois.

–    Ah ! C’est un restaurant chinois ici ?

 Raymonde, malgré la prestance du client, ne peut réprimer un rire.

–   Non ! C’est un mets typiquement québécois. Il y en qui disent que c’est notre plat national.

–    Ça consiste en quoi ?

–    Steak, blé-d’inde, patates.

–    Pourriez-vous répéter ?

–    Steak. Blé-d’inde. Patates !

 L’homme reste songeur.

–     Je viens de l’Inde, dit-il, et je n’ai jamais entendu parler de ce blé-là.

–    C’est marqué « maïs » sur les boîtes de conserve, mais bon… En voulez-vous ?

–   Oui, ça me semble excellent. Je ne prendrai pas de steak, cependant. Je suis végétarien.

 Au tour de Raymonde de se gratter la tête. Elle va chercher une bouteille de ketchup sur une autre table et la dépose devant l’homme.

–    Si c’est comme ça, il va vous en falloir beaucoup, lance-t-elle avant de s’en retourner vers la cuisine.

 C’est ainsi que le futur premier ministre du Canada et ses gardes du corps savourèrent un délicieux pâté chinois. Ils se payèrent même un banana-split. Avec un café trois sucres, comme dirait Raymonde :

 

L’affaire est… Ké-tsiap !

 

Écrit par Michel Pirro, septembre 2019

*******************

Ce conte est transposé du scénario du spectacle « Des Mots, un monde: de Ké-tsiap à Québec » créé et présenté à l’école Barclay , de la Commission scolaire de Montréal, durant l’année scolaire 2011-2012. Cette pièce de théâtre chanté et dansé, produit en collaboration par Michel Pirro, Mylène Lafrenière et Franck Sylvestre, a impliqué tous les niveaux de l’école, que ce soit pour l’écriture, la performance, les décors ou les costumes.  Son élément déclencheur fut une activité d’exploration de l’origine des mots, tirée du programme ÉLODIL (Éveil aux langues et ouverture à la diversité linguistique). Je tiens encore à remercier toutes les personnes qui ont rendu ce grand projet possible.

Les collages illustrant les noms des personnages sont l’oeuvre des élèves de 3e année, dirigés par Françoise Langlade, enseignante d’arts plastiques.  Dessin du titre, Rayehan Hossain.

Documentaire vidéo sur la création du spectacle:  

Raconte-moi la grammaire

Pour celles et ceux qui voudraient savoir d’où viennent les contes de « Woups… ma grammaire », voici la version originale du projet, tel que réalisé avec les élèves en 2006.

Les versions que vous retrouvez sur mon blogue sont le fruit d’une longue bonification en fûts de salle de classe, distillée dans l’alambic de ma tordue d’imagination.

D’aucuns préféreront peut-être ces récits plus simples, plus pratiques à employer avec de jeunes élèves, que ceux du blogue. Tout est dans le dosage.

Raconte-moi 2006

Raconte-moi présentation

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